Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/556

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aussi au pied de la croix, et Jésus, voyant réunis sa mère et son disciple chéri, eût dit à l’un : « Voilà ta mère, » à l’autre : « Voilà ton fils[1]. » Mais on ne comprendrait pas comment les évangélistes synoptiques, qui nomment les autres femmes, eussent omis celle dont la présence était un trait si frappant. Peut-être même la hauteur extrême du caractère de Jésus ne rend-elle pas un tel attendrissement personnel vraisemblable, au moment où, déjà préoccupé de son œuvre, il n’existait plus que pour l’humanité.

À part ce petit groupe de femmes, qui de loin consolaient ses regards, Jésus n’avait devant lui que le spectacle de la bassesse humaine ou de sa stupidité. Les passants l’insultaient. Il entendait autour de lui de sottes railleries et ses cris suprêmes de douleur tournés en odieux jeux de mots : « Ah ! le voilà, disait-on, celui qui s’est appelé Fils de Dieu ! Que

    convenir aux « parents ». Luc cependant (ii, 44) distingue les γνωστοί des συγγενεῖς. Ajoutons que les meilleurs manuscrits portent οἱ γνωστοὶ αὐτῷ, et non οἱ γνωστοὶ αὐτοῦ. Dans les Actes (i, 14), Marie, mère de Jésus, est mise en compagnie des femmes galiléennes ; ailleurs (Évang., ii, 35), Luc lui prédit qu’un glaive de douleur lui percera l’âme. Mais on s’explique d’autant moins qu’il l’omette à la croix.

  1. Jean, après la mort de Jésus, paraît, en effet, avoir recueilli la mère de son maître, et l’avoir comme adoptée (Jean, xix, 27). La grande considération dont jouit Marie dans l’Église naissante porta sans doute les disciples de Jean à prétendre que Jésus, dont