Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/582

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Christianisme » est ainsi devenu presque synonyme de « religion ». Tout ce qu’on fera en dehors de cette grande et bonne tradition chrétienne sera stérile. Jésus a fondé la religion dans l’humanité, comme Socrate y a fondé la philosophie, comme Aristote y a fondé la science. Il y a eu de la philosophie avant Socrate et de la science avant Aristote. Depuis Socrate et depuis Aristote, la philosophie et la science ont fait d’immenses progrès ; mais tout a été bâti sur le fondement qu’ils ont posé. De même, avant Jésus, la pensée religieuse avait traversé bien des révolutions ; depuis Jésus, elle a fait de grandes conquêtes : on n’est pas sorti, cependant, on ne sortira pas de la notion essentielle que Jésus a créée ; il a fixé pour toujours la manière dont il faut concevoir le culte pur. La religion de Jésus n’est pas limitée. L’Église a eu ses époques et ses phases ; elle s’est renfermée dans des symboles qui n’ont eu ou qui n’auront qu’un temps : Jésus a fondé la religion absolue, n’excluant rien, ne déterminant rien si ce n’est le sentiment. Ses symboles ne sont pas des dogmes arrêtés ; ce sont des images susceptibles d’interprétations indéfinies. On chercherait vainement une proposition théologique dans l’Évangile. Toutes les professions de foi sont des travestissements de l’idée de Jésus, à peu près comme la scolastique du moyen