Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/603

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patrie d’André et de Pierre, et surtout sur Nathanaël ? Ce personnage est propre à notre Évangile. Je ne peux tenir pour des inventions faites une centaine d’années après Jésus et fort loin de Palestine, les traits si précis qui se rapportent à lui. Si c’est un personnage symbolique, pourquoi s’inquiéter de nous apprendre qu’il est de Cana de Galilée[1], ville que notre évangéliste paraît particulièrement bien connaître ? Pourquoi aurait-on inventé tout cela ? Nulle intention dogmatique ne se laisse entrevoir, si ce n’est dans le v. 51, placé dans la bouche de Jésus. Nulle intention symbolique surtout. Je crois aux intentions de ce genre, quand elles sont indiquées et, si j’ose le dire, soulignées par l’auteur. Je n’y crois pas quand l’allusion mystique ne se révèle pas d’elle-même. L’exégète allégoriste ne parle jamais à demi-mot ; il étale son argument, y insiste avec complaisance. J’en dis autant des nombres sacramentels. Les adversaires du quatrième Évangile ont remarqué que les miracles qu’il rapporte sont au nombre de sept. Si l’auteur en faisait lui-même le compte, cela serait grave et prouverait le parti pris. L’auteur n’en faisant pas le compte, il ne faut voir là qu’un hasard.

La discussion est donc ici assez favorable à notre texte. Les versets 35-51 ont un tour plus historique que les passages correspondants des synoptiques. Il semble que le quatrième évangéliste connaissait mieux que les autres narrateurs de la vie de Jésus ce qui concerne la vocation des apôtres ; j’admets que c’est à l’école de Jean-Baptiste que Jésus s’attacha les premiers disciples dont le nom est resté célèbre ; je pense que les principaux apôtres avaient été disciples de Jean-Baptiste avant de l’être de Jésus, et

  1. Jean, xxi, 2