Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/621

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

primitif. Les données topographiques des versets 1 et 2 ont de la justesse. Rien dans le morceau ne fait disparate avec le style du quatrième Évangile. Je pense que c’est par un scrupule déplacé, venu à l’esprit de quelques faux rigoristes, sur la morale en apparence relâchée de l’épisode, qu’on aura coupé ces lignes qui pourtant, vu leur beauté, se seront sauvées, en s’attachant à d’autres parties des textes évangéliques. En tout cas, si le trait de la femme adultère ne faisait pas partie d’abord du quatrième Évangile, il est sûrement de tradition évangélique. Luc le connaît, quoique dans un autre agencement[1]. Papias[2] semble avoir lu une histoire analogue dans l’Évangile selon les Hébreux. Le mot : « Que celui d’entre vous qui est sans péché… » est si parfaitement dans le tour d’esprit de Jésus, il répond si bien à d’autres traits des synoptiques, qu’on est tout à fait autorisé à le considérer comme étant authentique dans la même mesure que les mots des synoptiques. On comprend, en tout cas, beaucoup mieux qu’un tel passage ait été retranché qu’ajouté.

§ 20. Les disputes théologiques qui remplissent le reste du ch. viii sont sans valeur pour l’histoire de Jésus. Évidemment, l’auteur prête à Jésus ses propres idées, sans s’appuyer sur aucune source ni sur aucun souvenir direct. Com-

  1. vii, 37 et suiv.
  2. Dans Eusèbe, Hist. eccl., III, 39. Un savant arméniste, M. Prudhomme, à qui je demandai s’il avait rencontré des citations de Papias dans les auteurs arméniens, me communique un curieux passage, extrait des « Explications sur divers passages de l’Écriture sainte », par Vartan Vartabed, ms. arm. de la Bibl. Impériale, ancien fonds, no 12, fol. 46 v. « Le passage de la femme adultère, que les autres chrétiens ont dans leur Évangile, est l’œuvre d’un certain Papias, disciple de Jean, lequel a écrit des hérésies, et a été rejeté. C’est Eusèbe qui le dit. On l’a écrit postérieurement. » Les Arméniens, en effet, rejettent ledit passage ou le mettent à la fin de l’Évangile de Jean.