Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/626

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se passer devant lui[1]. Mais que dis-je ! Saint Paul lui-même nous parle de ses miracles et fonde là-dessus la vérité de sa prédication[2]. Certains miracles étaient permanents dans l’Église et en quelque sorte de droit commun[3]. « Comment, dit-on, se prétendre témoin oculaire quand on raconte des choses qui n’ont pu être entendues ni vues ? » Mais alors les tres socii n’ont pas connu saint François d’Assise, car ils racontent une foule de choses qui n’ont pu être vues ni entendues.

Dans quelle catégorie faut-il placer le miracle que nous discutons en ce moment ? Quelque fait réel, exagéré, embelli, y a-t-il donné occasion ? Ou bien n’a-t-il aucune réalité d’aucune sorte ? Est-ce une pure légende, une invention du narrateur ? Ce qui complique la difficulté, c’est que le troisième Évangile, celui de Luc, nous offre ici les consonnances les plus étranges. Luc, en effet, connaît Marthe et Marie[4] ; il sait même qu’elles ne sont pas de Galilée : en somme, il les connaît sous un jour fort analogue à celui sous lequel ces deux personnes figurent dans le quatrième Évangile. Marthe, dans ce dernier texte, joue le rôle de servante (διηκόνει) ; Marie, le rôle de personne ardente, empressée. On sait l’admirable petit épisode que Luc a tiré de là. Que si nous comparons les passages de Luc et du quatrième Évangile, c’est évidemment le quatrième Évangile qui joue ici le rôle d’original, non que Luc, ou l’auteur quel

  1. Act., xx, 7-12 ; xxvii, 11, 21 et suiv. ; xxviii, 3 et suiv., 8 et suiv.
  2. II Cor., xii, 12 ; Rom., xv, 19. Il appelle les miracles σημεῖα τοῦ ἀποστόλου, «les signes auxquels on reconnaît un apôtre ». Cf. Gal., iii, 5.
  3. I Cor., i, 22 ; xii, 9 et suiv., 28 et suiv. Comp. II Thess., ii, 9. La tradition juive présente Jésus et ses disciples comme des thaumaturges et des médecins exorcistes (Midrasch Kohéleth, i, 8 ; vii, 26 ; Talm. de Bab., Aboda zara, 27 b ; Schabbath, 104 b ; Talm. de Jér., Schabbath, xiv, 4.
  4. x, 38-42.