Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/633

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Voudrions-nous prendre la responsabilité de tous les arguments par lesquels s’opéra la conversion des barbares ? De nos jours, on n’emploie des moyens frauduleux qu’en sachant la fausseté de ce qu’on soutient. Autrefois, l’emploi de ces moyens supposait une profonde conviction et s’alliait à la plus haute élévation morale. Nous autres critiques, dont la profession est de débrouiller ces mensonges et de trouver le vrai à travers le réseau de déceptions et d’illusions de toute sorte qui enveloppe l’histoire, nous éprouvons devant de tels faits un sentiment de répugnance. Mais n’imposons pas nos délicatesses à ceux dont le devoir a été de conduire la pauvre humanité. Entre la vérité générale d’un principe et la vérité d’un petit fait, l’homme de foi n’hésite jamais. On avait, lors du sacre de Charles X, les preuves les plus authentiques de la destruction de la sainte ampoule. La sainte ampoule fut retrouvée ; car elle était nécessaire. D’une part, il y avait le salut de la royauté (on le croyait du moins) ; de l’autre, la question de l’authenticité de quelques gouttes d’huile ; aucun bon royaliste n’hésita.

En résumé, parmi les miracles que les Évangiles prêtent à Jésus, il en est de purement légendaires. Mais il y en eut probablement quelques-uns où il consentit à jouer un rôle. Laissons de côté le quatrième Évangile ; l’Évangile de Marc, le plus original des synoptiques, est la vie d’un exorciste et d’un thaumaturge. Des traits comme Luc, viii, 45-46, n’ont rien de moins fâcheux que ceux qui, dans l’épisode de Lazare, portent les théologiens à réclamer à grands cris le mythe et le symbole. Je ne tiens pas à la réalité historique du miracle dont il s’agit. L’hypothèse que je propose dans la présente édition réduit tout à un malentendu. J’ai voulu montrer seulement que ce bizarre épisode du qua-