Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/641

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également fictif ? Il est probable, d’ailleurs, que, dans ces longues homélies prêtées à Jésus, il y a plus d’un trait qui a sa valeur historique. Ainsi la promesse du Saint-Esprit (xiv, 16 et suiv., 26 ; xv, 26 ; xvi, 7, 13), que Marc et Matthieu ne donnent pas sous forme directe, se retrouve en Luc (xxiv, 49) et répond à un fait des Actes (ii)[1] qui a dû avoir quelque réalité. En tout cas, cette idée d’un esprit que Jésus enverra du sein de son Père, quand il aura quitté la terre, est un trait de consonnance de plus avec Luc (Actes, i et ii). L’idée de l’Esprit-Saint conçu comme avocat (Paraclet) se retrouve aussi, surtout en Luc (xii, 11-12 ; comp. Matth., x, 20 ; Marc, xiii, 11). Le système de l’ascension, développé par Luc, a son germe obscur en notre auteur (xvi, 7).

§ 30. Après la Cène, notre évangéliste, comme les synoptiques, conduit Jésus au jardin de Gethsémani (chap. xviii). La topographie du v. 1 est exacte. Τῶν κέδρων peut être une inadvertance des copistes, ou, si j’ose le dire, de l’éditeur, de celui qui a préparé l’écrit pour le public. La même faute se retrouve dans les Septante (II Sam., xv, 23). Le Codex Sinaïticus porte τοῦ κέδρου. La vraie leçon τοῦ Κεδρών devait paraître singulière à des gens qui ne savaient que le grec. Je me suis déjà expliqué ailleurs sur l’omission de l’agonie à ce moment, omission où je vois un argument en faveur du récit du quatrième Évangile. L’arrestation de Jésus est aussi bien mieux racontée. La circonstance du baiser de Judas, si touchante, si belle, mais qui sent la légende, est passée sous silence. Jésus se nomme et se livre lui-même. Il y a bien un miracle fort inutile (v. 6) ; mais la circonstance de Jésus demandant qu’on laisse aller les disciples

  1. Comp. Jean, vii, 20.