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phénomènes dont la légende la plus répandue voulait que le dernier soupir de Jésus eût été accompagné.

§ 39. L’épisode du crurifragium et du coup de lance, propre à notre Évangile, n’a rien que de possible. L’archéologie juive et l’archéologie romaine du v. 31 sont exactes. Le crurifragium est bien un supplice romain. Quant à la médecine du v. 34, elle peut prêter à beaucoup d’observations. Mais, quand même notre auteur ferait preuve ici d’une physiologie imparfaite, cela ne tirerait pas à conséquence. Je sais que le coup de lance peut avoir été inventé pour répondre à Zacharie, xii, 10 ; cf. Apoc., i, 7. Je reconnais que l’explication symbolique a priori s’adapte très-bien à la circonstance que Jésus ne subit pas le crurifragium. L’auteur veut assimiler Jésus à l’agneau pascal[1] et il est bien aise pour sa thèse que les os de Jésus n’aient pas été brisés[2]. Peut-être même n’est-il pas fâché de mêler à l’affaire un peu d’hysope[3]. Quant à l’eau et au sang qui coulent du côté, il est également facile de leur trouver une valeur dogmatique[4]. Est-ce à dire que l’auteur du quatrième Évangile ait inventé ces détails ? Je comprends très-bien qu’on raisonne ainsi : Jésus, comme Messie, devait naître à Bethléhem ; donc, les récits, fort invraisemblables d’ailleurs, qui font aller ses parents à Bethléhem au moment de sa naissance sont des fictions. Mais peut-on dire aussi qu’il était écrit d’avance que Jésus n’aurait pas les os rompus, que l’eau et le sang couleraient de son côté ? N’est-il pas admissible que ce sont là des circonstances réelle-

  1. Comp. Jean, i, 29.
  2. Exode, xii, 46 ; Nombres, ix, 12.
  3. Jean, xix, 29. Comp. Exode, xii, 22 ; Lévit., xiv, 4, 6, 49, 51, 52 ; Nombres, xix, 6 ; Hébr., ix, 19.
  4. Comp. Jean, iii, 5 ; I Joh., v, 6.