Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/649

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ment arrivées, circonstances que l’esprit subtil des disciples put remarquer après coup et où il vit de profondes combinaisons providentielles ? Je ne connais rien de plus instructif à cet égard que la comparaison de ce qui concerne le breuvage offert à Jésus avant le crucifiement dans Marc (xv, 23) et dans Matthieu (xxviii, 34). Marc ici, comme presque toujours, est le plus original. D’après son récit, on offre à Jésus, selon l’usage, un vin aromatisé pour l’étourdir. Cela n’a rien de messianique. Chez Matthieu, le vin aromatisé devient du fiel et du vinaigre ; on obtient ainsi un prétendu accomplissement du verset 22 du Ps. lxix. Voilà donc un cas où nous prenons sur le fait le procédé de transformation. Si nous n’avions que le récit de Matthieu, nous serions autorisés à croire que cette circonstance est de pure invention, qu’elle a été créée pour obtenir la réalisation d’un passage supposé relatif au Messie. Mais le récit de Marc prouve bien qu’il y eut dans ce cas un fait réel, qu’on plia aux besoins de l’interprétation messianique.

§ 40. À l’ensevelissement, Nicodème, personnage propre à notre Évangile, reparaît. On fait observer que ce personnage n’a aucun rôle dans la première histoire apostolique. Mais, sur les douze apôtres, sept ou huit disparaissent complétement après la mort de Jésus. Il semble qu’il y eut auprès de Jésus des groupes qui l’acceptèrent à des degrés fort divers, et dont quelques-uns ne figurèrent pas dans l’histoire de l’Église. L’auteur des renseignements qui forment la base de notre Évangile a pu connaître des amis de Jésus restés inconnus aux synoptiques, lesquels vécurent dans un monde moins large. Le personnel évangélique fut très-différent dans les différentes familles chrétiennes. Jacques, frère du Seigneur, homme de première importance pour saint Paul, n’a qu’un rôle tout à fait secondaire aux