Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/652

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pas d’une visite des apôtres au tombeau. Une autorité décisive donne ici l’avantage à la tradition de Luc et de l’écrivain johannique : c’est celle de saint Paul. Selon la première épître aux Corinthiens[1], écrite vers l’an 57, et sûrement bien avant les Évangiles de Luc et de Jean, la première apparition de Jésus ressuscité fut pour Céphas. Il est vrai que cette assertion de Paul coïncide mieux avec le récit de Luc, qui ne nomme que Pierre, qu’avec le récit du quatrième Évangile, d’après lequel l’apôtre bien-aimé aurait accompagné Pierre. Mais les premiers chapitres des Actes nous montrent toujours Pierre et Jean comme des compagnons inséparables. Il est probable qu’à ce moment décisif ils étaient ensemble, qu’ils furent prévenus ensemble et qu’ils coururent ensemble. La finale de Marc dans le manuscrit L se sert de la formule plus vague : πάντες οἱ περὶ τὸν Πέτρον[2].

Les traits de personnalité naïve qu’offre ici le récit de notre auteur sont presque des signatures. Les adversaires tranchés de l’authenticité du quatrième Évangile s’imposent une tâche difficile en s’obligeant à voir dans ces traits des artifices de faussaire. L’attention de l’auteur à se mettre avec ou avant Pierre dans des circonstances importantes (i, 35 et suiv. ; xiii, 23 et suiv. ; xviii, 15 et suiv.) est tout à fait remarquable. Qu’on l’explique par le sentiment qu’on voudra, la rédaction de ces passages ne peut guère être postérieure à la mort de Jean. Le récit des premières allées et venues du dimanche matin, assez confus dans les synoptiques, est chez notre auteur d’une netteté parfaite. Oui,

  1. xv, 5 et suiv.
  2. Cette formule peut à la rigueur désigner Pierre seul. Cf. Jean, xi, 19, et les dictionnaires grecs, à la locution οἱ περί.