Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

bien Jean, fils de Zébédée, le frère de Jacques (dont il n’est pas question une seule fois dans le quatrième Évangile), qui a pu écrire en grec ces leçons de métaphysique abstraite, dont les synoptiques ne présentent pas l’analogue ? Est-ce l’auteur, essentiellement judaïsant, de l’Apocalypse[1], qui, en très-peu d’années[2], se serait dépouillé à ce point de son style et de ses idées ? Est-ce un « apôtre de la circoncision[3] » qui a pu composer un écrit plus hostile au judaïsme que tous ceux de Paul, un écrit où le mot de « juif » équivaut presque à « ennemi de Jésus »[4] ? Est-ce bien celui dont les partisans de célébration de la Pâque juive invoquent l’exemple en faveur de leur opinions[5], qui a pu parler avec une sorte de dédain des « fêtes des Juifs », de la « Pâque des Juifs »[6] ? Tout cela est grave, et, pour moi, je repousse l’idée que le quatrième Évangile ait été écrit de la plume d’un ancien pêcheur galiléen.

  1. Cf. Justin, Dial. cum Tryph., 81.
  2. L’Apocalypse est de l’an 68. En supposant que Jean eût une dizaine d’années de moins que Jésus, il devait avoir environ soixante ans quand il la composa.
  3. Gal., ii, 9. Le passage Apoc., ii, 2, 14, semble renfermer une allusion haineuse contre Paul.
  4. Voir presque tous les passages où se trouve le mot Ἰουδαῖοι.
  5. Polycrate, dans Eusèbe, H. E., V, 24
  6. Jean, ii, 6, 13 ; v, 1 ; vi, 4 ; xi, 55 ; xix, 42.