Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

beaucoup de cas où l’on ne parlait que de Pierre, il avait figuré avec et avant lui[1]. Déjà, du vivant de Jésus, ces légers sentiments de jalousie s’étaient trahis entre les fils de Zébédée et les autres disciples[2]. Depuis la mort de Jacques, son frère, Jean restait seul héritier des souvenirs intimes dont les deux apôtres, de l’aveu de tous, étaient dépositaires. Ces souvenirs purent se conserver dans l’entourage de Jean, et, comme les idées du temps en fait de bonne foi littéraire différaient beaucoup des nôtres, un disciple, ou, pour mieux dire, un de ces nombreux sectaires déjà à demi gnostiques qui, dès la fin du ier siècle, en Asie Mineure, commençaient à modifier profondément l’idée du Christ[3] put être tenté de prendre la plume pour l’apôtre et de se faire le libre rédacteur de son Évangile. Il ne dut pas plus lui en coûter de parler au nom de Jean qu’il n’en coûta au pieux auteur de la deuxième épître de Pierre d’écrire une lettre au nom de ce dernier. S’identifiant avec l’apôtre aimé de Jésus, il épousa tous ses sentiments,

  1. Comp. Jean, xviii, 15 et suiv., à Matth., xxvi, 58 ; Jean, xx, 2-6, à Marc, xvi, 7. Voir aussi Jean, i, 35 et suiv., xiii, 24-25 ; xxi, 7, 20 et suiv.
  2. Voir ci-dessous, p. 165-166.
  3. Voir l’épitre aux Colossiens, surtout ii, 8, 18 ; I Tim., i, 4 ; vi, 20 ; II Tim., ii, 18.