Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/90

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des pièces artificielles[1], qui nous représentent les prédications de Jésus comme les dialogues de Platon nous rendent les entretiens de Socrate. Ce sont en quelque sorte les variations d’un musicien improvisant pour son compte sur un thème donné. Le thème, au cas dont il s’agit, peut n’être pas sans quelque authenticité ; mais, dans l’exécution, la fantaisie de l’artiste se donne pleine carrière. On sent le procédé factice, la rhétorique, l’apprêt[2]. Ajoutons que le vocabulaire de Jésus ne se retrouve pas dans les morceaux dont nous parlons. L’expression de « royaume de Dieu », qui était si familière au maître[3] n’y figure qu’une seule fois[4]. En revanche, le style des discours prêtés à Jésus par le quatrième Évangile offre la plus complète analogie avec celui des parties narratives du même Évangile et avec celui de l’auteur des épîtres dites de Jean. On voit qu’en écrivant ces discours, l’auteur du quatrième Évangile suivait, non ses souvenirs, mais le mouvement assez monotone de sa propre pensée. Toute une nouvelle

  1. Souvent on sent que l’auteur cherche des prétextes pour placer des discours (ch. iii, v, viii, xiii et suiv.).
  2. Par exemple, ch. xvii.
  3. Outre les synoptiques, les Actes, les Épîtres de saint Paul, l’Apocalypse en font foi.
  4. Jean, iii, 3, 5.