Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/98

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ébionite exalté, c’est-à-dire très-opposé à la propriété et persuadé que la revanche des pauvres va venir[1] ; il affectionne par-dessus tout les anecdotes mettant en relief la conversion des pécheurs, l’exaltation des humbles[2] ; il modifie souvent les anciennes traditions pour leur donner ce tour[3]. Il admet dans ses premières pages des légendes sur l’enfance de Jésus, racontées avec ces longues amplifications, ces cantiques, ces procédés de convention qui forment le trait essentiel des Évangiles apocryphes. Enfin, il a dans le récit des derniers temps de Jésus quelques circonstances pleines d’un sentiment tendre et certains mots de Jésus d’une rare beauté[4], qui ne se trouvent pas dans les récits plus authentiques, et où l’on sent le travail de la légende. Luc les empruntait probablement à un recueil plus

  1. La parabole du riche et de Lazare. Voir aussi vi, 20 et suiv., 24 et suiv. (comp. les sentences bien plus modérées de Matthieu, v, 3 et suiv.) ; x, 7 ; xii, 13 et suiv. ; xvi entier ; xxii, 35 ; Actes, ii, 44-45 ; v, 1 et suiv.
  2. La femme qui oint les pieds, Zachée, le bon larron, la parabole du pharisien et du publicain, l’enfant prodigue.
  3. Par exemple, la femme qui oint les pieds devient chez lui une pécheresse qui se convertit.
  4. Jésus pleurant sur Jérusalem, la sueur de sang, la rencontre des saintes femmes, le bon larron, etc. Le mot aux femmes de Jérusalem (xxiii, 28-29) ne peut guère avoir été conçu qu’après le siège de l’an 70.