Page:Renard - Bucoliques, 1905.djvu/299

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
291
BUCOLIQUES

De chaque côté de la route, des ruisseaux d’orage, partis d’un élan fou, se calment peu à peu, ne sont bientôt plus que des flaques et la terre les boit. La perle d’eau qui brillait à la pointe du brin d’herbe, glisse, fond et s’éteint. Si je passe trop près d’une branche, elle m’accroche et me bénit de toutes ses gouttes.

La nature rit de s’être fâchée sans motifs et se pardonne. Elle redevient communicative et attendrissante. On a moins de peine que jamais à l’aimer.

C’est pourquoi j’évite, avec précaution, les limaces qui traversent la route au risque de se faire écraser et, du bout de ma canne, je les jette hors de péril, dans l’herbe.

Elles se ferment comme des rondelles de caoutchouc et sécrètent, de stupeur, une mousse onctueuse.

Mais Berthe arrive.

Elle marche derrière toute seule, et me suit à pas menus et la main libre. Dès qu’elle voit une des limaces que j’ai sauvées, elle s’arrête :