Page:Renard - Bucoliques, 1905.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52
BUCOLIQUES

— Voilà ! disait-elle, ce matin, j’avais deux chez moi : mon auberge là-bas, au bord de la rivière, et une chambre ici, dans cette maison qui m’appartient, et ce soir, je n’ai plus de chez moi.

— Comprenez, si vous pouvez, dit-elle au menuisier qui passait et s’arrêta, mais c’est comme ça : je n’ai plus de chez moi du tout.

— Tante Rose s’amuse, dit le menuisier : elle vous ouvrira.

Tante Rose n’ouvrit pas. Elle se garda même de se montrer et les voisins frappèrent vainement à sa porte.

— Elle croit me faire bisquer, dit soudain maman Jeanne ; mais c’est moi qui la ferai bisquer. Si elle a sa tête, j’ai ma tête aussi.

— Retournez à l’auberge, lui dit-on, ou venez avec nous, car la nuit tombe.

— Non, merci. Quand on n’a plus de chez soi, on couche dehors. Je coucherai dehors, devant sa porte, sous ma fenêtre. On verra bien la plus maligne.