Page:Renard - L’Écornifleur, Ollendorff, 1892.djvu/26

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lauriers et des vapeurs méphitiques ont engourdi, annonce :

— « Vous arriverez ! »

Je l’espère, me laisse aller et conte mes rêves, en un bon fauteuil dont je frise les glands entre mes doigts. J’ai bien dîné, et j’éprouve le besoin d’intéresser quelqu’un à mon avenir. Mes jambes s’allongent, prennent possession du parquet, et mes pieds remuent comme la queue d’un chien qu’on flatte.

Je ne fume pas. On me dit que je n’ai point de défauts, et on pense que si je crains le tabac et l’alcool, c’est non par délicatesse de femmelette, mais par prudence de grand homme qui se ménage. Je lève mes mains blanches pour que le sang n’ait pas la force d’y monter. On me demande des vers.

— « Mes vers n’ont que le mérite de s’en aller tout de suite loin de ma mémoire. Ne vaut-il pas mieux causer doucement de choses diverses, en amis vieux déjà qui se pénètrent sans effort ? »

Enfin j’ai un idéal : la pâleur de mon teint et ma tristesse en répondent.

Ne pouvant fumer sa cigarette, Monsieur Vernet se décide à la sucer.