Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/107

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Émile. — Il a toussé tout à l’heure. Il ne peut pas tousser constamment pour vous faire plaisir.

Eugénie. — Ainsi, tandis que ce monsieur se carre, s’allonge dans ton fauteuil, il faut que je me tienne debout sur mes pauvres jambes !

Émile. — Chut ! pas si haut ! le frotteur est dans l’escalier, qui racle. Le laitier peut venir d’un instant à l’autre, et la concierge ne fait que grimper.

Eugénie. — Bon : chuchotons ! Ah ! que j’ai chaud ! Je boirais un verre d’eau d’un trait.

Émile. — Si vous m’aviez écrit, je vous aurais attendue dans un café et nous aurions causé en prenant un bock.

Eugénie. — Je te vois, c’est l’essentiel.

Émile. — As-tu quelque chose d’important à me communiquer ?

Eugénie. — J’ai à te communiquer que je t’aime toujours. Ouvre donc la porte toute grande. Je n’aperçois que le bout de ton nez dans de l’ombre. Là, bien. Tu es rasé ! Est-ce que tu t’es rasé pour moi ? Donne-moi l’étrenne de ta barbe.

Émile. — Non, j’avoue que c’est pour moi. Boutt ! je me rase tous les deux jours. Boutt !

Eugénie. — Oh ! ce petit baiser d’un sou. Embrasse-moi mieux que ça, proprement. — Qu’est-ce que tu écoutes ?

Émile. — Il me semble qu’on a ouvert une porte à l’étage au-dessous. On nous guette. Vraiment, nous serions mieux dans la rue. Tu te compromets, et je ne veux pas que tu prennes l’habitude de t’exposer ainsi. Du reste, je ne suis presque jamais chez moi.

Eugénie. — On ne me connaît pas, puisque j’ar-