Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/145

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— Mais nous ne la croirons pas.

— Si, nous ferons d’abord semblant, pour mieux rire après.

— Ne la chagrinez pas trop, dit papa Iaudi.

— À cause d’elle nous serons forcés de nous coucher tard.

— Moi, ça m’amuserait de coucher dehors.

— Et moi qui n’ai pas mon châle !

— La lune nous a quittés. Je teille de mémoire.

— Si nous entrions chez vous, papa Iaudi ?

Dans la maison où papa Iaudi, économe, n’alluma pas de bougie, ils se sentaient mal à l’aise. Ils ressortirent.

— Sommes-nous bêtes, dit une femme ; je parie qu’elle est dans son lit.

Comment n’avait-on pas songé plus tôt à cette explication gaie, réconfortante et si simple ?

— Elle nous a joué le tour, dit la femme. Le temps de l’arracher de ses draps, de lui donner une fessée d’importance, et je vous l’amène.

Elle ne ramena pas Pauline.

Un homme proposa de parcourir le village, en bande.

— Tout à l’heure ! un peu de patience !

D’ailleurs, les rues s’assombrissaient comme autant de caves.

— Faisons du jour avec nos lanternes, dirent les femmes.

Elles se cherchaient, se groupaient, et visage contre visage, lanternes hautes, elles éprouvaient le besoin de se reconnaître.

— Ce n’est pas possible qu’elle y soit allée !