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LE FROMAGE À LA CRÈME


Leur discussion s’éternise. Las de parler pour ne rien dire, Noirmier et Paponot décident qu’il faut consulter M. Castel. Il jugera.

Noirmier et Paponot le trouvent assis à l’ombre de ses noisetiers, et la discussion recommence devant lui, comme s’il n’était pas là.

M. Castel, arbitre, les laisse aller, écoute sans interrompre, et quand ils se taisent de fatigue il promet d’examiner l’affaire et de donner sa réponse un de ces jours.

— Prenez votre loisir, dit Noirmier qui s’essuie le front. Quelle chaleur ! On se coucherait sur un jet d’eau.

— On a toujours soif, dit Paponot.

— Plus soif que faim, dit M. Castel, arbitre. Je perds l’appétit, et je ne mange que du fromage à la crème pour me rafraîchir.

— Et moi pareillement, dit Noirmier.

Or, Noirmier feint de dire cela, comme il dirait autre chose, par flatterie et politesse. Mais il comprend M. Castel à demi-mot et il se réjouit d’autant plus que cet imbécile de Paponot ne devine jamais rien.