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LES RAINETTES


À Rodolphe Darzens.


Assis sur le banc planté devant la porte, ils échangent leurs souvenirs sans remords et se racontent des histoires, toujours les mêmes, qui ne se passent en aucun temps, en aucun lieu.

Tandis que les rainettes infatigables roulent au loin leurs r, le plus âgé chevrote d’abord. Comme il fait nuit, chaque fantôme a son succès d’effroi. Les gamins écoutent, accroupis entre les vieux et le fumier verni de lune.

— Êtes-vous crédule de ça ?

— On en voit tant.

— Y en a-t-il, des étoiles !

— Si on allait se coucher ?

Ils restent encore. D’une pipe, régulièrement, une bluette de flamme s’échappe et s’éteint vite, toute seule sur la terre contre les astres de là-haut. Un géranium se penche au bord d’un pot cassé, et par ses becs de grue égoutte son odeur.

Le feu d’une voiture file entre les acacias de la route :

— Qui donc que c’est ?