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LA PHRASE


On se mouche, on tousse, on s’installe à l’aise au creux des bancs profonds, car Monsieur le curé va prêcher.

Il tousse aussi, se mouche et s’élance.

Les vieilles et les vieux ferment les yeux pour mieux entendre. L’école des filles et des garçons se tient sage, comme si elle écrivait une dictée, et les membres du conseil de fabrique se bouchent une oreille, celle de l’autre côté, qui ne sert à rien.

Monsieur le curé est dans ses bons jours. Ça marche. Il parle bien, possède tous ses moyens et les mots huilés roulent sans accrocs. Cette fois il se croit sûr de lui. Il s’abandonne, s’échauffe, et résolument commence sa grande et belle phrase, imitée de Bossuet, longuement préparée, qu’il n’a jamais pu finir.

Les fidèles inquiets l’attendaient là.

Tout de suite, ils sentent que Monsieur le curé peine, qu’il respire plus vile. Il courait sur une route plate ; maintenant il monte. D’abord douce, la côte devient raide, à pic. On croirait qu’un cheval souffle le vent de ses naseaux par l’église. Monsieur le curé tire et sue.