Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/89

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rayons, comme suspendues au bout de fils d’or qu’on pelotonne. Quelques-unes allaient certainement jusqu’aux flammes, pour s’y perdre, s’y rôtir, et M. Sud, la nuque douloureuse, la bouche ouverte, les yeux brouillés, espérait leur chute.

— Il faut pourtant que je les tire !

Au cul levé, c’eût été hasardeux. Il préférait s’en désigner une et la voir s’abattre, se motter, là, entre ces deux taupinières. Il s’avancerait sur elle, le fusil à l’épaule, et viserait un peu en dessous, pour ne point l’abîmer. Violemment étourdie, elle n’aurait plus que la force de sauter dans la gueule de Pyrame. Mais l’alouette était couleur de terre. M. Sud cherchait en vain la petite robe grise imperceptible, fondue. Il piétinait, tournait sur place, s’égarait comme quelqu’un qui vient de laisser tomber une pièce d’argent.

Il s’assit quelques minutes, afin de souffler, de renouer les cordons de ses guêtres et les nombreuses ficelles de son costume. Toutes les taches roses de son teint d’homme savamment nourri s’étaient rejointes et n’en formaient qu’une. Il s’épongea, se sourit dans une glace minuscule, fier de lui, et assuré de faire plus tard une belle conserve.

— N’aurai-je pas l’occasion de décharger mon arme ?

Il l’ajustait contre sa joue, trouvait enfin la mire, et, pour terminer, étudiait de nouveau les incrustations de la crosse, ces damasquinures si riches qu’elles semblaient garantir l’adresse du chasseur.

— Certes, j’ai là un objet d’art, un fusil de luxe,