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le docteur lerne, sous-dieu

avait menti pour m’échauffer… Elle avait eu pitié de lui, simplement…

À propos, comment la folie avait-elle fondu sur l’Écossais ? et pourquoi Lerne le cachait-il ?… Mon oncle affirmait qu’il était parti… Dans quel but aussi tenir sa chienne en prison ?… Pauvre Nelly ! je comprenais sa douleur, à la fenêtre, et sa rancune contre le professeur : un drame s’était déroulé devant elle, entre Emma, Lerne et Mac-Bell, à la suite d’un flagrant délit, sans aucun doute. Quel drame ? Je le connaîtrai bientôt : on n’a point de secret pour son amant, et j’allais devenir celui d’Emma ! Allons ! tout s’arrangeait à merveille !

Ma joie se manifeste en général sous forme de chanson. Ce fut, si je ne m’abuse, une séguedille que je fredonnai chemin faisant, et dont j’interrompis brusquement la mélodie dégingandée, parce que le souvenir du vieux soulier avait surgi, macabre, dans ma rêverie, telle la Mort-Rouge au milieu du bal.

Instantanément, ma fougue s’était affaissée. Le soleil se coucha au fond de ma pensée ; tout devint noir, suspect, menaçant ; un revirement excessif me montra comme des certitudes les plus sinistres suppositions, et l’image même de cette ardente Emma n’ayant pu résister à la lueur funèbre, j’atteignis en proie aux affres de l’Inconnu ce château-cabanon et ce jardin tombeau où la Goule du Vice m’attendait entre un fou et un cadavre.