Page:Renard - Le Docteur Lerne sous-dieu, 1908.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
59
le docteur lerne, sous-dieu

éteinte : mes aïeux, pastels ; mes grands-pères, miniatures ; mon père en collégien, daguerréotype ; et sur la cheminée, dûment enjuponnée de paniers bouffants avec leurs effilés, quelques photographies s’accotaient à la glace. Un groupe, grand format, sollicita mon attention. Je m’en saisis pour le regarder plus à l’aise. Il représentait mon oncle entouré de cinq messieurs, près d’un gros chien du Saint-Bernard. Cette vue avait été prise à Fonval : le mur du château en faisait le fond, et un laurier-rose en caisse y figurait. Épreuve d’amateur, sans nom. Lerne, là-dessus, rayonnait de bonté, de force et d’esprit, semblable, pour tout dire, au savant que j’aurais cru retrouver. Des cinq messieurs, trois m’étaient connus : les Allemands ; je n’avais jamais vu les deux autres.

Sur ces entrefaites, la porte s’ouvrit si brusquement que je n’eus pas le temps de remettre le groupe à sa place. Lerne poussait devant lui une jeune femme.

— Mon neveu, Nicolas Vermont — Mademoiselle Emma Bourdichet.

Mlle Emma, selon toute conjecture, venait d’essuyer l’une de ces vertes semonces que Lerne distribuait en prodigue. Son expression égarée le certifiait. Elle n’eut même pas le courage de la grimace mondaine usitée dans les cas d’amabilité contrainte et esquissa gauchement un signe de tête.

Pour moi, m’étant incliné, je n’osais pas lever les