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le docteur lerne, sous-dieu

semblages se séparaient brutalement l’un de l’autre comme autant de catégories, les pots s’alignaient militairement, et chacun portait une étiquette qui relevait de la botanique plutôt que du jardinage et dénonçait moins l’art que la science. — Cette considération donnait à méditer. Du reste, pouvais-je admettre un seul instant que Lerne fût encore jardinier pour son plaisir ?

Poursuivant l’information, je promenai mon regard charmé sur toutes ces merveilles, incapable dans mon ignorance de les nommer chacune. Je l’essayai néanmoins, machinalement, et alors cette luxuriance, qu’un examen d’ensemble m’avait montrée comme un caractère de rareté, d’exotisme peut-être, commença de m’apparaître ce qu’elle était vraiment…

Incrédule et saisi d’une fiévreuse curiosité, j’avisai un cactus, — malgré ma nullité, je ne pouvais m’y tromper. Mais sa fleur rouge me déroutait… Je l’envisageai minutieusement, et ma perplexité ne fit que s’accroître…

Il n’y avait pas d’hésitation possible : cette fleur énergumène aux regards insolents, cette fusée d’artifice qui s’élançait verte pour éclater en étoiles de feu, c’était une fleur de géranium !

Je passai à la plante voisine : — trois tiges de bambou montaient du terreau, et leurs colonnettes, en guise de chapiteaux, étaient coiffées de dahlias !

Presque effrayé, respirant d’une haleine courte des