Page:Renard - Le Péril Bleu, 1911.djvu/136

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autres faits contradictoires

face d’un homme en perdition. Et comme tous, il levait les yeux vers le ciel ; non pour le supplier, mais pour l’espionner. Car du ciel on attendait moins le salut que le péril.

La campagne était désertique. Quelques troupeaux, gardés par un troupeau d’enfants, paissaient encore les prairies ; de loin en loin, des phalanges de cultivateurs entretenaient les champs. Un recueillement lugubre planait sur les chansons éteintes et les rires vaincus. Pour comble de tristesse, un mois de juin morose, interceptant le soleil, roula d’interminables nuées.

Chaque jour, cependant, une procession débouchait des églises ; une foule en deuil la composait ; et l’on disait des prières pour demander à Dieu le terme d’un fléau qu’on ne pouvait pas même lui désigner clairement. À son habitude, la terreur suscita des conversions. Une jonchée de fanatiques, à plat ventre, s’allongeait au pied des autels. Certain prêtre, ayant recherché les vieilles formules médiévales, pratiqua des exorcismes.

À mesure qu’on s’éloignait du Bugey, l’émotion toutefois allait s’atténuant, comme il a été dit pour les régions limitrophes. Le pays était un foyer de crainte qui rayonnait sur la terre et dont l’intensité s’affaiblissait avec la distance. L’étranger, qui ne frissonnait pas encore pour son compte personnel, était au demeurant fort tranquille, et beaucoup d’États éloignés tenaient toujours les Sarvants pour des canards.

Une chose inimaginable, c’est que Maxime fût au rang des sceptiques et des impassibles autant que s’il eût habité les antipodes, lui l’hôte de Mirastel, lui si éprouvé dans ses affections par le malheur public. Son ferme bon sens de marin et de soldat regimbait devant le surnaturel. Il se refusait à l’admettre. Et comme le surnaturel semblait être la clef unique des faits, Maxime n’était pas loin de nier les faits eux-mêmes, sinon dans leur réalité, du moins dans l’apparence qu’on leur prêtait. Il restait persuadé que tout s’expliquerait naturellement, lorsque les bandits réclameraient de l’argent contre les captifs restitués sains et saufs. Selon lui, les seuls martyrs du Sarvant seraient les névrosés qu’une