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le péril bleu

vous sachiez qu’à partir de maintenant il n’y a, encore moins que par le passé, rien de commun entre nous.

Je vous salue.

Onésime Front.

L’horreur du fait se renforçait de la trivialité du rustre qui l’annonçait. Suzanne, certes, n’avait pas fauté une seconde fois ; tous l’affirmaient. Elle était donc aussi la proie du Sarvant !… (Et ce qui vint le corroborer, ce fut, dans la nuit du 17 au 18, la dévastation de Saint-Champ, non loin de Belley.)

Suzanne enlevée ! Ce dernier coup portait au comble la détresse des Monbardeau. Madame déraisonna pendant une semaine, puis s’éleva sans relâche contre la rigueur paternelle qui avait exilé la pécheresse repentante. Ce à quoi Monsieur ne savait que répondre, et baissait la tête en pleurant.

Le matin du 19, les gens d’Artemare apprirent que la nuit avait été funeste au village de Ruffieux, sis à quinze kilomètres outre-Rhône, sur la route de Seyssel à Aix-les-Bains. La nouvelle manquait de précision. On parlait vaguement de plusieurs personnes enlevées, — ce qui demandait confirmation.

Mais, avant d’être fixés, les Artemarois connurent un événement plus sensationnel encore.

Un reporter-photographe de Turin était parti bien avant l’aurore pour le sommet du Colombier, afin de photographier le théâtre du rapt dans la splendeur d’un soleil levant. (Ce raffinement s’explique par le nombre incalculable de clichés que ses confrères avaient déjà pris du même lieu, dans des conditions différentes d’heure et de température.)

Or, de même que Marie-Thérèse et ses cousins n’étaient pas redescendus, le reporter-photographe ne redescendit pas.

Grande émotion dans Artemare. Palabres et conciliabules, à l’issue desquels une troupe d’hommes courageux