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la campagne hantée

Et maintenant te voilà prodigieusement ahuri ! Tu te demandes pourquoi nous quittons Paris de si bonne heure cette année !… Mettons… mettons que je sois fatigué par l’inauguration du grand équatorial. Ce sera le prétexte officiel.

Ah ! mon pauvre Calixte, cet équatorial ! Tu ne reconnaîtras plus l’Observatoire. L’Observatoire de Perrault, on dirait maintenant le Panthéon de Soufflot ! Je m’explique : Pour loger l’immense lunette donnée par le milliardaire Hatkins, il a fallu construire sur la terrasse, au milieu des petites coupoles, un vrai dôme de basilique. C’est pourquoi je parle de Panthéon. L’esthétique en souffre cruellement. Si encore la science y gagnait I Mais quel enfantillage d’établir un instrument d’optique aussi merveilleux à Paris ! à Paris qui trépide sans cesse ! à Paris dont le ciel est chargé de poussière ! et sur un monument vibratile, où la chaleur rayonnante gêne l’observation !… Toutefois, l’Américain désirant que son télescope fût placé comme il l’est, on ne pouvait que s’incliner. La fête inaugurale du 12 avril a été de tous points réussie. Beaucoup d’étrangers, à cause de l’exotisme du donateur. — Mais je te raconterai tout cela.

Autre chose. Tu trouveras ci-inclus un article du Lyon Républicain. Il a piqué ma curiosité. Toi qui es sur place, donne-moi donc des explications complémentaires. Est-ce sérieux ? Je flaire une de ces farces pyramidales dont nos paysans sont coutumiers.

Affections à ta femme ainsi qu’à ton fils et à ta délicieuse belle-fille, puisque vous avez le bonheur de les posséder en ce moment.

De cœur,

Jean Le Tellier.

Et voici la réponse :

(pièce 10)
À Monsieur J. Le Tellier,
Directeur de l’Observatoire,
202, boulevard Saint-Germain,
Paris.
Artemare, 20 avril 1912.

Laisse-moi d’abord, mon cher Jean, bénir les causes de votre arrivée hâtive en Bugey. Ces causes, le ton dégagé de ta lettre accuse leur peu de gravité. Alors gaudeamus igitur !