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le péril bleu

et coqueriquante, mais c’était « le cri d’un coq qui se sauve, qui se débat ou qui s’envole ». Et le lendemain (c’est-à-dire ce matin), elle vit — et chacun put voir — que le coq de fonte, perché depuis cent ans au faîte du clocher, s’en était évadé !…

Aussitôt on crie au miracle, au lieu de crier au ventriloque ; et l’on refuse de poursuivre une affaire dont le bon Dieu se mêle ; et l’on déniche je ne sais quelle corrélation macaronique entre le coq religieux, symbole du reniement de saint Pierre, et le coq gaulois, gallus gallus, emblème de la France renégate ! Galimatias, c’est le cas de le dire.

Heureusement, la police ouvre l’œil. Car, vengeance ou plaisanterie, en voilà assez. On va surveiller, j’espère, les villages qui se trouvent dans la direction suivie par les ravageurs : le sud. On va garder cette traînée de hameaux dont la file s’égrène entre le Rhône et le Colombier.

Cependant les pistes suivies sont abandonnées l’une après l’autre. On a relaxé un chemineau, reconnu sans méchanceté. Mais il y a, dit-on, de nouveaux suspects : deux journaliers piémontais. Ils travaillent depuis peu dans la contrée et suivent la même route que les bizarreries. Porteurs de pelles et de pioches, ils auraient donc, dès le début, possédé les outils nécessaires à l’inhumation de leurs rapines, avant de s’être procuré par la fraude un surcroît d’instruments analogues, — ce qui révèle encore une bande.

Figure-toi que ma femme s’effraie ! Comme c’est curieux ! Elle, si intelligente ! Elle dit : « J’ai toujours eu en horreur les charivaris et les farces macabres. Or ceci est macabre, puisque les morts sont en jeu et qu’on fait dire des messes pour le repos de leur âme. — Et le pire, c’est que, si cela persiste, de deux choses l’une : Jusqu’à présent, n’est-ce pas, les mystificateurs ont suivi à la fois le cours du Rhône et le bas du Colombier. Mais, à Culoz, celui-ci s’arrête brusquement. Eh bien, puisqu’il n’est de villages qu’au long du fleuve et qu’autour de la montagne, il leur faudra donc choisir entre ces deux directions. Et s’ils s’avisent de contourner l’éperon que fait le Colombier, dans ce cas, Mirastel d’abord, Artemare ensuite se trouvent en plein sur leur trajet ! »

Voilà beaucoup de prévoyance ! Toutes ces billevesées auront leur terme bien avant d’arriver à Culoz, — bien avant que vous n’y débarquiez vous-même le 26. Dans le cas contraire, votre présence, ajoutée à celle d’Henri et de Fabienne, nos chers amoureux, stimulera la vaillance d’Augustine.

Je souhaite donc cette présence, de tout mon cœur de beau-frère et de mari.

Tout à toi,

Calixte Monbardeau