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le péril bleu

Comme je me livrais à cette occupation, un grincement innombrable se fit entendre aux parois de ma cellule et sur le toit (?). Raclement de ferrailles, cliquetis de crochets. Tout cela ne devait faire aucun bruit à l’extérieur, dans le vide, mauvais médium ; mais moi, dans mon cube d’air conducteur de sonorités comme de lumière, j’entendais tout ce qui touchait les cloisons.

Soudainement, je me sentis puissamment enlevé, moi et ma loge, et grâce à mes trois objets perdus qui semblèrent tout à coup s’abaisser et décrire un arc plongeant, je devinai qu’on venait de me faire décrire une courbe montante assez compliquée, analogue à celle des marchandises au bout d’une grue à vapeur, quand on les décharge… L’eau de la flaque, là-bas, avait disparu ; sans doute le départ de ma cabine l’avait mise en contact avec le vide — et l’on sait que dans le vide il n’y a pas de liquide possible.

Immobile à présent, plus haut qu’avant, je regardais, stupide, ma jumelle et mon détective perdus… Le vertige me reprenait…

Et puis voilà que les grincements recommencèrent et que la cabine s’ébranla. Des cahots la faisaient résonner ; un roulement de roues me parvint, répercuté à travers la substance invisible, et je vis s’éloigner jumelle et détective. Je me retournai brusquement dans le sens de la marche, hors de moi à la pensée qu’un accident pouvait me mettre en contact avec le vide, et voulant savoir où j’allais…

La macule venait à moi.

Elle me parut située à 4 où 5 kilomètres vers le sud (les étoiles me renseignèrent mieux que la boussole, qui fonctionnait mal). Autant que mes besicles me permettaient de l’estimer, c’était une espèce de maison à claire-voie. La seule caractéristique dont je pus m’assurer — et facilement — c’est qu’elle n’était pas posée comme un ponton, à même le plateau rêveur et fan-