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le péril bleu

-bas, sur l’autre façade… Ceci m’enlève des chances d’apercevoir Mlle L. T.

L’humus brun de la pépinière forme, en dessous, une grille bizarre dont ce serait les barreaux qui seraient à jour. À travers ces bandes, des bandes de France apparaissent au fond du gouffre. Et puis je vois la couche éparpillée des pierres, et puis le dos des animaux. Immédiatement sous mes pieds, un porc sommeille, rose et gris, au sein de l’air. Immédiatement sur ma tête, un aigle fauve, au plumage nocturne, piétine dans le vide ; ses serres jaunes s’aplatissent et se crispent sur l’invisible fond de sa cage, souillé de ses déjections.

À chaque instant, on croit recevoir quelque chose qui tombe… et qui s’arrête, sans cause apparente, au milieu de sa chute.

Et toujours pas de geôliers ! Invisibles donc, — ou invisibilisés. N’est-ce pas leur présence qui produit ce grincement odieux, intermittent, dont le bruit, avec celui des clapets, est le seul bruit qu’on entende ici ?…

Comment ces hommes ont-ils réussi à vivre dans le vide ? Est-ce une accoutumance ancestrale qui leur permet d’exister hors de l’atmosphère ? — l’atmosphère aussi indispensable à l’homme que l’eau l’est aux poissons, — l’atmosphère avec sa chaleur, sa pression et son oxygène… Est-ce une race d’hommes complètement modifiée par un temps millénaire ?… C’est peu probable. Nos ravisseurs, plutôt, sont pourvus de scaphandres résistants et invisibles comme eux… À moins que ce soit ces scaphandres qui les rendent invisibles… Le scaphandre de Gygès !… À moins encore que ce ne soient pas des hommes… Mais cette conclusion répugne… Quoique… Quoiqu’il y ait la question de classification :

Tous ces échantillons de la faune et de la flore terrestres sont rangés en ordre, mais pas dans l’ordre des naturalistes…