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suite du journal

Puis, à 1 heure et demie, le soleil est rentré sous l’horizon gazeux.

Un peu plus tard, voilà que la statue de jardinier Watteau et le mannequin-épouvantail ont défilé devant moi ! Ils se sont rendus, l’un derrière l’autre, en glissant, au premier étage, — quartier des choses inanimées. En glissant sur des plans inclinés. Là, ils se sont rangés parmi des instruments agricoles, des aiguilles d’horloge, un drapeau tricolore, une grosse boule jaune, — le tout proprement aligné.

Et quelques instants après, un coq d’or est descendu, en se dandinant, de l’étage des oiseaux, et il est allé rejoindre les deux simulacres dans le bric-à-brac du premier étage.

Il est bien évident qu’on réparait là des erreurs de classification, mais ceci donne étrangement à penser.

6 heures. — Il est arrivé un singe ; un grand singe de la famille des orangs. Échappé d’une ménagerie, selon toute probabilité, et surpris dans la forêt par les Sarvants. — Ils l’ont mis près du paysan violâtre, avec les hommes… Dans quelques jours ils le redescendront, comme la statue, le mannequin et le coq. Mais quels peuvent être ces individus qui se trompent à un tel point ? ces hommes si ignorants de l’humanité ? si différents de nous, si évolués probablement, qui herborisent des peupliers, collectionnent des cailloux et font l’élevage de leurs frères d’en bas ?

5 juillet.

Hier je n’ai pas pu continuer à écrire : mes clapets se sont arrêtés. J’ai dû épuiser ma réserve d’oxygène ; mais je me suis évanoui quand même, transi de froid, dans un glaçon cubique. Je n’ai repris connaissance qu’à la nuit, pendant laquelle j’ai réfléchi.

Voilà mes conclusions :

Ce n’est pas une île, ce sol invisible qui nous sup-