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suite du journal

musée monumental, au milieu sans doute d’une grande ville au bord de la mer !

Et nous n’avons jamais rien deviné ! Trompés par l’invisibilité de cet univers qui ne gênait en rien la vision télescopique, que les bolides tombant sur la Terre traversaient comme une balle Lebel traverse une écorce de liège, et que les étoiles filantes laissaient loin sous elles, — nous n’avons pas deviné qu’au-dessus de nous siégeait un monde plus vaste que le nôtre, ayant un rayon plus grand de 50 kilomètres, et tournant sur le même axe que le bloc terrestre, mais plus vite encore, puisqu’il est plus distant du moyeu de rotation. Et jamais nous n’aurions supposé que là travaillait une population active et, selon toute vraisemblance, innombrable, — qu’elle pensait, inventait, fabriquait, — qu’elle jetait sur sa mer atmosphérique des bateaux de plus en plus perfectionnés (des bateaux dont les débris naufragés sont restés entre deux airs au lieu de descendre jusqu’à nous), — qu’elle faisait (à l’aveuglette, je crois) des sondages maritimes, — et qu’enfin elle arrivait à cette prouesse naturellement fêtée, glorifiée, acclamée : la construction d’un sous-aérien.

Il est plus que probable que le premier lancé a subi de gros dégâts. Mal dirigé par des apprentis, emporté au loin par le vent comme par un tourbillon sous-marin, c’est, je crois, cet aéroscaphe qui a causé la célèbre collision du mois de mars. Il a dû heurter d’abord le paquebot français, puis, une seconde plus tard, le destroyer anglais, ou vice versa. Ce jour-là, les matelots invisibles l’ont échappé belle, entraînés si loin, et le sous-aérien a dû éprouver de sérieuses avaries dont la réparation justifie tout le temps écoulé depuis cet accident jusqu’aux déprédations de Seyssel.

La prudence et l’expérience leur sont venues…

Peut-être nous guettent-ils depuis des siècles à travers le ciel ; peut-être attendaient-ils avec impatience et