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le péril bleu

Et quand, triomphalement, le chimiste Arnold, de Stockholm, annonça par le monde qu’il avait trouvé la peinture tant désirable, et fait apparaître ainsi le morceau d’aéroscaphe que la France lui avait confié, la démocratie refusa d’y voir autre chose qu’un nouveau machiavélisme des imposteurs. « Quelle attrape ! Ils allaient peindre à neuf quelque vieux sous-marin déclassé, hors service, et l’exhiber comme étant l’aéroscaphe invisible recouvert de la célèbre arnoldine ! Bravo, les tartufes ! Mais on savait à quoi s’en tenir. »

Ainsi naquit la légende du Péril Bleu, qui était pourtant bel et bien de l’histoire.

Cependant, au vrai, l’arnoldine était découverte.

Le chimiste suédois vint à Paris sans perdre une minute. Il apportait le fragment d’aéroscaphe sur lequel tant de combinaisons avaient éprouvé leur impuissance avant l’amalgame vainqueur. Arnold avait eu soin de n’en peindre que la moitié ; c’était donc un barre moitié invisible et moitié jaune, — d’un magnifique jaune serin.

Mais, première déception, les Chambres se refusèrent à voter la plus faible subvention. Et, secondement, un projet de société anonyme au capital de quatre cent mille francs, pour la peinture de l’aéroscaphe, avorta misérablement.

Arnold se montra plus grand que tout un peuple. Il prit à sa charge les dépenses considérables — car cette couleur valait plus de trois mille francs le litre — et fabriqua des quantités d’arnoldine.

D’habitude, la peinture dissimule les choses. Aujourd’hui, la peinture allait montrer les choses.

Quand tout fut préparé, Arnold convoqua autour du navire un congrès de savants, pour assister à ce vernissage d’un nouveau genre, tel que le Grand-Palais n’en avait jamais contenu. Belloir échafauda ses gradins, environna d’un cirque de planches l’invisible appareil…

Au jour dit, qui tomba le 5 octobre, devant une gale-