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triomphe de l’absurdité

encore moi qu’on a choisi, parce qu’on sait que je vous connais et que j’ai pris part aux événements de ce Bugey de malédiction !… Montrez-moi la dépêche de M. Tiburce, je vous prie… Voyons :

» Ai retrouvé Marie-Thérèse intacte Constantinople par hasard. Arriverons Marseille mercredi. Hommages bien dévoués à ta sœur. Amitiés. — Tiburce.

» Je m’en doutais, » reprit Garan, « cette prose laconique est due à la collaboration de M. Tiburce et des autorités ottomanes. »

— « Mais enfin, quoi ? » s’écria Mlle d’Agnès.

— « Écoutez, mademoiselle, m’y voilà. Les Affaires Étrangères ont reçu tout à l’heure de la Sublime Porte, par l’entremise de l’ambassade turque, une longue dépêche où l’aventure se trouve relatée au complet. Mais on vous prie instamment — comme on a prié là-bas M. Tiburce — de n’en rien divulguer, parce qu’elle compromet la mémoire d’un très haut personnage, ancien vizir et cousin du sultan. En un mot, monsieur le duc, il s’agit d’Abd-Ul-Kaddour-Pacha, qui a enlevé Mlle Marie-Thérèse Le Tellier ! »

Mlle d’Agnès et M. le duc son frère étaient dans l’émerveillement. Le policier continua :

— « Oui ! c’est ce sauvage-là ! Un homme vicié, pourri, monsieur, par les excès de ceci et de cela et de plus encore !

» Lorsque je l’appris, ah ! le Péril fut moins bleu que votre serviteur ! Pensez donc ! jamais de ma vie je n’aurais cru ça !

» N’est-ce pas : après avoir demandé en mariage Mlle Le Tellier, qu’on lui refusa, ce démon d’Abd-Ul-Kaddour jura qu’il l’aurait, envers et contre tous. Il la fit enlever — comme je vous le dis ! — en automobile, tout près de Mirastel, le 4 mai dernier, pendant qu’elle se rendait à Artemare pour y déjeuner chez le docteur Monbardeau…

» Et j’ai vu la place, monsieur et mademoiselle ! la place piétinée, au croisement de la route et du petit sentier ! Je l’ai vue et remarquée ! Je l’ai montrée à M. Tiburce