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le péril bleu

M. Le Tellier. « Il faut bien cependant que les traces… Ho ! Ça, c’est trop fort ! »

En effet, c’était trop fort.

Les trois pistes montaient jusqu’à la crête, mais là elles cessaient tout à coup. Les disparus étaient bien arrivés au sommet du Colombier, mais ils n’en étaient pas redescendus, et pourtant ils ne s’y trouvaient plus.

Maxime, voyant son père et son oncle incapables d’observer et de raisonner, se chargea de leur exposer la situation, de l’étudier pour eux et de faire les remarques qu’elle comportait.

— « Voyons », dit-il. « Un peu d’attention et de tranquillité. Examinons les choses, et reprenons les traces à partir du bord de la neige.

» Elles poursuivent leur ascension, d’abord parallèles ; puis les deux voies extrêmes s’écartent légèrement de celle du milieu ; si bien que, arrivés sur la ligne de faîte, Fabienne se trouve à un mètre à gauche de la croix, Henri à cinq mètres de Fabienne sur sa gauche et Marie Thérèse à six mètres d’elle sur sa droite. Là, nos promeneurs se sont arrêtés pour regarder le panorama ; chaque piste, en effet, nous présente le même piétinement léger, la même superposition d’empreintes, et l’on voit très bien que les cannes et le parapluie (ou l’ombrelle) se sont appuyés fortement sur le sol. Tout fait foi d’une courte station. — Mais la ressemblance entre les trois pistes ne va pas plus loin.

» En effet, la piste d’Henri s’achève net à ce piétinement placide et normal du touriste qui se repose. C’est comme une impasse.

» Pour la piste de Fabienne, c’est différent. Nous découvrons, parties de son piétinement, quatre traces de pas qui se dirigent du côté d’Henri. Et c’est tout. Deuxième impasse. — Remarquons, toutefois, au sujet de ces quatre pas, que la distance de l’un à l’autre est délatrice de grandes enjambées. Ma cousine Fabienne devait courir lorsqu’elle a fait ces quatre pas…, courir vers son mari… D’ailleurs, au milieu de son piétinement stationnaire, nous relevons une marque de semelle vigoureusement enfoncée, qui témoigne d’un brusque départ, d’une prise d’élan énergique.