Page:Renard - Le Péril Bleu, 1911.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
86
le péril bleu

» Sur quoi donc s’est-elle brisée ? — Sur quelque chose qui était là et qui n’y est plus. Et sur quelque chose qui se tenait suspendu dans les airs. »

— « Vous êtes fort », dit l’inspecteur avec un ricanement.

Le duc d’Agnès intervint :

— « Je me demande pourquoi tous ces embrouillages de raisonnements. N’est-il pas clair que les disparus ont été enlevés au moyen d’un ballon ?… un dirigeable… »

— « Ou un aéroplane ! » ajouta Tiburce.

— « Ah ! cela, non ! » riposta le duc. « Il n’existe pas d’aéroplane assez parfait pour cueillir successivement trois personnes à ras de terre, ni assez puissant pour les emporter, elles avec l’équipage que nécessiterait un coup de main aussi complexe. Tandis qu’un dirigeable… »

— « Enlevés ? Enlevés ? » monologuait M. Le Tellier. « Mais dans quel but ? Si on les avait enlevés, nous aurions déjà reçu des nouvelles, des menaces, des offres de… Que sais-je ? »

— « Ce n’est pas possible ! » surenchérit M. Monbardeau en levant les yeux au ciel.

— « Ce ne peut être qu’un dirigeable », déclara Tiburce.

Mais M. Monbardeau montra les aigles qui planaient.

— « Tenez, » fit-il d’un ton bizarre, « autant prétendre que ce sont des aigles-colosses qui nous ont pris nos enfants. »

Tiburce s’égaya.

— « Ne riez pas », dit Robert. « Si baroque que soit l’idée, elle m’est venue à l’esprit. Certes, l’hypothèse est fausse a priori. Mais elle expliquerait tout. Car, un dirigeable, monsieur d’Agnès, cela se voit venir, c’est une masse qui attire les yeux. Et si les ravisseurs s’étaient approchés dans un aéronat, nos amis s’en seraient garés, et leurs pas sur la neige indiqueraient des mouvements de retraite, — alors que rien de tout cela n’existe. »

— « C’est vrai », fit le duc.

— « Au contraire, des aigles, mais on en voit toujours au sommet du Colombier ! On n’y fait pas attention,