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LE BROUILLARD DU 26 OCTOBRE

avait de dimensions extravagantes. Certains, qui n’en finissaient plus, portaient de volumineuses corolles musclées, d’un violet ardent, au pistil jaune d’or. D’autres inconnus, de la famille des magnolias, étalaient d’admirables feuilles bicolores, plus belles que des fleurs. Au pied des troncs, c’était une exubérante et féroce mêlée de serre chaude fantastique, une étreinte inextricable où, comme des pieuvres, les aloès allongeaient et retournaient leurs tentacules épineux ; où les raquettes gonflées des cactus brandissaient des houppes de poils et des aigrettes de crins ; où de grosses chenilles à fourrure pâle, mises bout à bout, faisaient de ridicules et redoutables plantes grasses. Ce n’était qu’une cohue léthargique de membres verts et tordus, un entassement de nudités lisses et de toisons brunes au bas des fougères arborescentes recourbant d’énormes crosses velues. La vie outrancière et la défense de la vie éclataient dans la prospérité des gousses, la turgescence rubiconde des mucilages, les griffes et les cornes de toutes ces tarasques paralytiques, dentelées et barbelées à la ressemblance des