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LE BROUILLARD DU 26 OCTOBRE

dragons jurassiques, et dont quelques-unes formaient des épis de couteaux caraïbes. Cela grouillait sans bouger. Pharamineux jardin d’hiver où l’eucalyptus, l’euphorbe, le myrte, et les disparus : le dryophyllum, le doliostrobus, le callistris et le lepidodendron, voisinaient avec les aulnes et les trembles, les frênes et les châtaigniers ! Dans la pénombre du sous-bois pointaient des pyramides baignées de bleu et d’indécis, moitié fougères et moitié mélèzes, arbres et plantes à la fois ; et des candélabres baroques, singulièrement « art nouveau » bien que naturels et préhistoriques, éployaient dans un même plan vertical leurs branches d’espalier. Chacune d’elles, mouchetée d’un bourgeon, se relevait en porte-manteau et supportait de monstrueuses poires blettes qui pendaient, fripées, testiculaires, gargantuesques.

La sueur coulait sur nos joues. L’air demeurait trouble ; un rien de noir se délayait dans l’indigo céleste, et je fis cette observation que sans doute l’atmosphère ne s’épurerait point davantage et que c’était bien là celle d’un âge torride et moite. La lune, au terme