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LA GLOIRE DU COMACCHIO

vacillent. Le clair-obscur neutralise la chambre, et Cesare, par un flot de paroles, soulage en liberté sa colère. Tubal, silencieux, l’écoute bégayer :

— « Je le tuerai, Baccio, entends-tu ? Ah ! comme tu avais raison ! Sa statue ! Ah ! tiens, voilà une statue qu’on aimera pour ses défauts, précisément ! pour tout ce qui en fait un travail d’orfèvre ! parce qu’elle est fouillée, trifouillée, quadrifouillée !… Sang du Christ ! Dire que c’est encore un porteur de tablier de cuir qui va me passer sur le ventre !… Mais je le tuerai ! dans les supplices. J’en ai tué d’autres moins sournois, moins pervers ! On m’a vu dans les coups de main, dans les assauts de boutiques ! J’en ai tué pour moins que cela !… Je te tuerai, Baccio, voleur de gloire ! »

— « À quoi bon ? » dit Tubal tout doucement. « Il n’en aurait que plus de gloire, et vous plus de honte. »

— « Ah ! pardieu ! c’est la statue qu’il fallait détruire ! Tu aurais dû me la laisser briser tout à l’heure. Il suffirait qu’elle ne soit pas demain sur la place… »