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Page:Renee-dunan-entre-deux-caresses-1927.djvu/21

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ENTRE DEUX CARESSES

Les lèvres écarlates de Fanny Bloch s’ouvrirent pour un sourire, et son regard en coin exprimait une sorte de complicité. Elles montèrent alors dans l’auto des Mexme qui attendait. Le chauffeur, un tout jeune homme à face blême et perverse, attendit l’ordre.

— Vous nous déposerez au Rond-Point des Champs-Élysées, nous marcherons. Vous suivrez.

. . . . . . . . . .

Sous un tendre soleil trop pâle, l’Avenue se déroulait comme une estampe. Posés sur la perspective, les promeneurs, étirés par la lumière, prenaient une sorte de rigidité médiévale. L’espace les noyait dans un halo. Le ciel profus et liquide accusait la salissure des façades. La chaussée, rongée par les ferrures des pneus, gémissait au passage des voitures. Il en venait des milliers, et le souffle d’asthme épandu par les moteurs apportait un vertige inconscient aux cerveaux.

Des femmes suivaient l’Avenue d’une marche à la fois alanguie et cabrée. Les yeux fixes et cernés de fard, la souplesse et l’offrande des torses, dénudés sous la mollesse des étoffes, les gestes lents et hiératiques emplissaient la grande voie d’une sorte d’artificielle volupté.

Jeanne Mexme, frêle et orgueilleuse sous des soieries fauves, marchait près de Fanny Bloch, aux formes épanouies, et dont l’œil dur semblait provoquer les passants.

L’odeur de pétrole et de caoutchouc, de pourriture végétale et de papier, mélangée à de sub-