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Page:Renee-dunan-entre-deux-caresses-1927.djvu/229

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ENTRE DEUX CARESSES

traînants et échines molles. Des loques, des torchons humains, et même ces balayeurs aux rudes gueules sentaient plutôt l’envie et la jalousie féroce que la révolte hautaine et destructive. Jeanne croyait pouvoir évoquer son mari, tout forçat qu’il avait été, comme un lutteur qui garde la force de dominer ses ennemis. Torse cambré et porté en carène, regard droit et fixe, marche maîtresse du sol et attitude de conquérant.

Elle méprisait et haïssait cette plèbe, qui, lui, avait-on dit, réclamait la mort de Georges, lors du jugement. Son regard glacial ne se nuançait d’aucune pitié pour les durs labeurs matinaux. Elle avait dominé sa propre destinée. Elle accumulait de l’or et gardait sa beauté. Son effort pour réaliser ces buts à fins complexes était d’autre valeur morale que ceux dont un millénaire préjugé ouvrier entoure l’existence de respect. Une seule force vaut qu’on vive : celle de l’or. L’or achète tout, la conscience et les éthiques, les pouvoirs publics et les bras humains. Par l’or on peut faire prolonger sa vie physique dans la quiétude et les soins, par l’or une femme peut rester belle, par l’or on parvient, après une défaite, à reprendre sa vie et à la redresser.

Est-il un sacrifice qu’on ne consente pour l’or ?… Nul n’échappe à cette force impériale. Jeanne songeait à ces garçons d’auberge ou d’écuries qui, en 1789 coururent à la Révolution.

Elle les revoyait, en 1814, trahissant celui qui les avait enrichis parce que sa présence compro-