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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

mêmes qui gardent la nostalgie des villes de leur Europe !

— Ah ! Berlier ! Ne dites pas de mal de celles-là ! Aucune cité jamais n’obscurcira dans mon cerveau la vision de Venise endormie au milieu de sa lagune, ou bien de Florence, où l’air est pur et léger comme ici, ou des cités de Provence, fières de leur histoire, surtout de Paris la grand’ville, qui résume et condense en elle toutes les séductions de toutes les autres ?

— Votre Paris, j’y peux passer deux mois, mais je n’y voudrais plus vivre. J’aime mieux Tananarive…, encore qu’on nous l’ait gâté dans les années dernières. Il y a quinze ans, Saldagne, on ne voyait pas un seul toit en tôle ondulée. Toutes les cases étaient couvertes en chaume, en bois ou en petites tuiles de terre rouge, harmonieusement adaptées au paysage. Aujourd’hui les Travaux Publics n’utilisent plus que l’horrible métal gondolé, et les particuliers eux-mêmes font à leurs maisons des couvercles de bottes de conserves.

— Je vous abandonne de bon cœur la tôle ondulée. Mais les temples et les églises datent pour la plupart du temps malgache. Trouvez-vous que ces édifices en boue rouge, caricatures mal venues des belles cathédrales de pierre, contribuent à embellir le paysage ? Elles poussent ça et là comme des champignons, avec des cintres et des ogives étriquées, des clochers et des clochetons ridicules ! Ils ont conquis votre Iarive, les Missionnaires ! et bâti partout leurs lourdes forteresses. Voyez les Norvégiens sur le