Page:Renel - La fille de l'Île-Rouge, roman d'amours malgaches, 1924.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
23
LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

Sur le bateau, plusieurs passagers lui avaient vanté les charmes des ramatous malgaches. L’un ne tarissait pas d’éloges sur sa petite épouse du précédent séjour : il l’avait gardée trois ans et comptait la reprendre. Un autre préférait le changement, comparait Tananarive à un immense sérail dont les Européens seraient les sultans. Des passagères avaient plus d’une fois taquiné Claude sur ses futures bonnes fortunes : il allait être séduit par ces rouées qui trompaient les Européens en se moquant d’eux, par ces singes habillés en femmes.

— Elles vous feront monter à l’arbre comme tous vos congénères, les filles du cocotier, disait une jeune Créole assez disgraciée de la nature et qui ressentait une animosité particulière contre les femmes de couleur.

Et les autres Européennes de renchérir. Que pouvait-on bien leur trouver d’extraordinaire à ces Malgaches, et pourquoi les Blancs s’abaissaient-ils à de telles amours ? Les hommes souriaient sans répondre, et, à l’âpreté même des attaques féminines contre ces rivales, Claude comprenait qu’une jalousie justifiée pouvait seule animer ainsi ses compatriotes. Il attendait donc avec impatience l’arrivée à Madagascar pour voir enfin ces femmes si vantées.

Il eut une grosse déception. À Diégo, les Sakalaves et les Sainte-Mariennes, noires de peau, lourdes, d’expression bestiale, lui parurent étranges, mais non désirables, avec leurs boules de cheveux crépus, et les rosaces d’or dont s’ornaient leurs narines. À Tamatave, les Besti-