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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

était allée chez un vieux Faiseur d’amulettes, redouté dans tout le quartier à cause de sa connaissance des remèdes anciens ; il lui avait donné, en échange d’une piastre, un talisman efficace, contenu dans un sac minuscule en étoffe rouge ; elle avait décousu le matelas pour mettre le charme d’amour juste à l’endroit où s’étendait d’ordinaire l’Européen.

Elle aimait bien aussi passer tout un jour dans la case de ses parents, reprendre l’ancienne vie malgache, marcher pieds nus sur la terre rouge, chaude et douce aux pieds, s’accroupir sur la natte pour manger en famille le riz et les brèdes dans des assiettes en fer-blanc, pour boire l’eau trouble refroidie dans la marmite et qui sent bon le riz brûlé.

Claude ne connaissait de sa vraie vie que ce qu’elle voulait bien en montrer, c’est-à-dire peu de chose. Il la trouvait suffisamment civilisée, juste à son goût. Elle avait conservé les qualités natives de la race privilégiée d’où elle sortait, l’humeur égale et paisible, la douceur du caractère, la joie de vivre naïve, la simplicité dans les désirs, l’indifférence heureuse du lendemain ; et elle n’avait acquis, en apparence, aucun des innombrables défauts importés par les étrangers. C’était la compagne rêvée des nuits et aussi des jours ; elle faisait si peu de bruit, tenait une si petite place, sans exigences, toujours satisfaite, empressée à obéir aux moindres caprices, maîtresse ardente, ménagère attentive, gardienne fidèle de la maison.

La paix intérieure de sa vie avait une heu-