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LA FILLE DE L’ÎLE ROUGE

caïmans n’en avaient enlevé que deux. Quand l’ombre de quelqu’un se reflète dans l’eau hors de la pirogue, cela suffit pour que les Êtres viennent le prendre…

— Mais en ce moment, je vois ton ombre sur l’eau, petite folle. Cela ne te fait pas peur ?

— Mon grand-père m’a donné autrefois un anneau de cuivre qui les écarte. Je l’ai mis ce matin.

Elle montra sa main ; à côté des lourdes bagues d’or ciselées par les Indiens, elle portait pour la première fois un gros cercle de cuivre, terne et sans ornements.

— Les loules n’aiment pas le cuivre ; ils s’abstiennent de toucher aux gens qui en ont sur eux…

Elle tendit sa main par-dessus le bordage de la pirogue vers les eaux peuplées de Choses épouvantables.

— Sans ma bague, ils nous auraient fait chavirer déjà. Souvent, pour errer à la surface des rivières, ils prennent la forme des petits papillons d’eau. Vois tous ceux-là autour de nous…

Ces mystérieuses bestioles intriguaient Claude depuis un instant. Les loules d’eau, insectes ailés, au corps de chenille terminé par une queue bifide, ne vivent qu’une matinée. Ils naissent, sous leur dernière métamorphose d’insectes complets, aux premières heures de l’aube et commencent aussitôt une étrange lutte pour l’existence et la reproduction. Ils sont condamnés à se noyer, dès que leur vol ne peut plus les soutenir, et le poids de leur corps de