Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le criticisme de Kant n’a pas découvert ce principe souverain des connexions, qu’il s’agissait de mettre en lumière. Restituer les idées générales, définir les jugements synthétiques, montrer la place et la nécessité des formes a priori de la sensibilité, et des concepts de l’entendement dans la perception externe, c’était beaucoup, ce n’était pas question résolue, tant qu’on ne posait pas la relation comme principe et condition du connaître. La métaphysique restait engagée dans ses anciens errements. Kant a conservé à la catégorie de la substance sa signification réaliste. Il a admis l’existence de substances inconnues, avec le caractère abstrait et négatif qui les rend impossibles à objectiver pour la pensée, faute d’attributs. C’était revenir à la méthode des entités en ce qu’elle a de plus vain, tandis que, depuis Descartes, on n’avait presque plus fait usage des entités que pour classer des phénomènes dont elles pouvaient passer pour n’être que des noms génériques.

Là où il s’agit de la matière des corps, Kant admet « hors de nous, l’existence de choses qui nous sont inconnues en elles-mêmes, mais cependant connues par les représentations que nous procure leur action sur notre sensibilité, et auxquelles nous donnons le nom de corps ». Ces choses sont, comme on l’apprend par des explications moins exotériques du philosophe, des noumènes situés non seulement hors de nous, mais hors du temps, hors de l’espace, et qui sont les causes de nos représentations. À l’endroit que nous citons il n’emploie qu’un langage de philosophie courante. On lit encore ailleurs, ce qui semble, au premier abord, conforme à l’imagination commune, matérialiste, que si on n’admettait pas de ces choses en soi, « on arriverait à cette absurde conclusion, qu’il y a des phéno-