Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/41

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temps pour s’accorder avec la transformation chrétienne du Messie des Prophètes. Ce temps est déjà celui où ces sectes, dites gnostiques, commençaient à paraître, qui usèrent à l’envi de la méthode réaliste, pour composer des mythologies d’êtres abstraits, expliquer la sortie du monde de l’Être, — ou du non-Être, — symboliser les causes de la chute, annoncer les moyens de salut. Le recours à l’hypostase était tentant pour la nouvelle religion en voie de se chercher une philosophie dont l’enseignement sobre de Jésus, ses paraboles, qu’on avait recueillies, et les légendes de sa vie ne fournissaient pas l’équivalent. La philosophie de saint Paul, encore toute messianique et consacrée aux questions morales du péché, de la rédemption, de la grâce, et de la résurrection en Christ, était humaine et pratique au plus haut degré, hostile au gnosticisme. Mais déjà l’auteur inconnu de l’Épître aux Hébreux, contemporain de l’Apôtre, use du style des hypostases au début même de cet ouvrage. Il appelle le Fils de Dieu la « figure de l’hypostase de son père ». C’est, en termes abstraits, l’idée même du dualisme de l’unité divine, qui va s’introduire dans le christianisme avec le quatrième Évangile, au commencement du iie siècle.

Le Logos de la philosophie johannique est la Parole, non l’Intelligence, sens ordinaire du mot chez le platonicien Philon. Le choix de la Parole, au lieu de la Sagesse des livres sapientiaux, est motivé par les premiers mots du livre de la Genèse dont le réalisme poétique des commentateurs juifs s’était déjà servi en présentant la Parole comme un organe émané de Dieu pour procéder à l’œuvre de la création. Aussi l’auteur du quatrième Évangile donne-t-il formellement la fonction créatrice au Fils : « Toutes choses furent (ἐγένετο) par