Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/42

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lui (par le Logos), et rien de ce qui fut ne fut sans lui. »

La distinction et l’identification unies dans la même pensée caractérisent déjà cette méthode des hypostases : « Au commencement était le Logos, et le Logos était avec Dieu (πρὸς τὸν θεόν, Dieu avec l’article) et le Logos était Dieu » (Θεὸς ἦν ὁ λόγος, Dieu sans l’article). Avec l’emploi de l’article dans le second cas, pour la désignation de Dieu, il y aurait eu identité pure affirmée entre Dieu et le Logos. En l’omettant, on laisse d’une part, une ouverture, à l’interprétation suivant laquelle le mot dieu n’aurait que le sens attributif, et le Logos désignerait un attribut de Dieu, avec le sens d’intelligence, comme le mieux approprié dans ce cas : et en effet les hérésies suscitées en tout temps contre la doctrine qui devint orthodoxe sont nées de ce point de vue logique. Mais, d’une autre part, on dirige surtout l’esprit vers l’interprétation par un mystère : le mystère imaginé de deux personnes, dont chacune étant prise séparément est Dieu, mais qui, prises ensemble, sont Dieu, un seul Dieu. Nous ne voyons aucun empêchement à ce que la pensée de l’auteur du quatrième Évangile ait été au fond la même qui ne parut pas absurde au Concile de Nicée, deux siècles plus tard, et qui fut formulée, en terminologie substantialiste, sous le nom de consubstantialité du Fils avec le Père.

L’application de la méthode réaliste se confirme, dans cet Évangile, par l’emploi dogmatique donné à deux termes dont l’un est presque uni hypostatiquement au Logos, comme son action sur les âmes : c’est la Vie : « En lui était la Vie, et la Vie était la Lumière des hommes… Elle venait dans le monde, la Lumière